Psychologie et langage du corps
Un “Tell” est un geste ou une attitude qui donne des indications sur votre jeu et celui de vos adversaires.
La nervosité, les tics nerveux sont des tells qui vous en disent beaucoup sur vous ou sur l’état d’esprit de vos adversaires. Dans les moments de grande tension où un joueur joue son avenir dans le jeu (comme être à tapis ou dans les grosses mises), l’émotion peut trahir. Pour nous, humains, il est difficile de ne pas se sentir vulnérable ou nerveux dans un tel moment.
Un bon joueur de Poker se doit de savoir cacher au maximum ce langage du corps, tout en sachant lire celles des adversaires. En scrutant suffisamment un joueur qui mise gros, vous pouvez être capable de déceler des signes vous permettant de deviner quelle catégorie de main il possède et ajuster votre action en conséquence, cela paraît difficile à concevoir pour un débutant, mais pour un bon joueur, c’est essentiel.
Voici les principaux tells à retenir.
Niveau avancé
Tell N°1
Faible signifie fort / Fort signifie faible
On doit ce grand classique au “pape des tells”, Mike Caro.
Il s’applique surtout aux débutants, mais certains joueurs avertis émettent ce tell.
Comme le poker est un jeu de camouflage, certains vont “sur-jouer”
C’est-à-dire que quand ils auront une main faible, ils vont jouer comme s’ils en avaient une forte, avec ce que cela implique comme corn portement : une certaine aisance, une certaine fausse décontraction, une assurance inhabituelle.
C’est finalement une sorte de bluff.
Inversement, quand ils auront une main forte, ils vont jouer comme s’ils en avaient une faible. Ils vont donc hésiter exagérément, faire un (moue dubitative, pousser leurs jetons de façon timorée…)
Un joueur qui “sur-joue” sa main de cette manière (ou la “sous joue”) doit toujours vous interpeller. C’est soit un fieffé renard qui essai de vous induire en erreur, soit un joueur qui contrôle mal ses réactions.
La parole aussi a son importance ici : un joueur qui dit soudain “J’hésite mais j’y vais quand même” est bien souvent dangereux, car cette attitude ne se rencontre guerre que dans des parties entre copains. Inversement, un autre qui dit : “Vu la main que j’ai, je ne peux que to relancer !” peut cacher un joli bluff. Dans le cadre de la parole, c’est le ton et le timbre qui sont aussi a surveiller : un ton anormalement élevé révèle toujours un stress. Un ton anormalement bas peut être un ton sur-controlé, donc cachant aussi un bluff.
Plus vicieux encore : le joueur qui veut juste suivre le surblind. Il manipule ses jetons en attendant son tour pour décourager toute relance avant lui. Ce joueur possède probablement un tirage.
Intox, vous avez dit intox ?
Tell N°2
Ce tell n’est pas de circonstance mais un tell permanent.
Observer bien comment les joueurs empilent leurs jetons.
D’une façon générale, plus le joueur est agressif et large (le “chacal” dans la typologie de Phil Hellmuth), plus il aura tendance a ne pas organiser ses jetons. Ces joueurs, par exemple, ne sont pas gênés d’avoir des jetons en vrac ou d’avoir des piles de différentes hauteurs.
Le joueur qui joue plus serré a l’état d’esprit conservateur, et cela se remarque aussi dans la façon dont il range ses jetons. Non seulement ses piles sont impeccables, mais en plus elles contiennent toutes le même nombre de jetons (10 ou 20 le plus souvent).
Attention : un rangement excessivement soigné des jetons peut révéler un joueur fragile, qui se “cagoule” facilement et qui voit dans un rangement impeccable matière a se rassurer. Ce sont ces joueurs-la que vous devez essayer d’attaquer en priorité. Certains vont même jusqu’à aligner les motifs des tranches de leurs jetons, ce qui donne a leurs piles des aspects avec des bandes verticales.
Le tapis de gauche et celui de droite, pourtant formes du même nombre de jetons, n’appartiennent pas au même type de joueurs.
Tell N°3
Regarder ses jetons
C’est un des tells qui sont les plus universels.
Au moment du flop, si celui-ci arrange le joueur, il a tendance à jeter un coup d’œil a ses jetons. Pourquoi ? Probablement inconsciemment, il anticipe l’ouverture ou la relance. En effet, si le flop est inutile, on voit mal pourquoi le joueur regarderait ses jetons. Au contraire : un flop inutile provoque plutôt un signe de désintérêt, même minime.
La séquence suivante est révélatrice : le flop arrive, le joueur jette un œil furtif a ses jetons, puis son regard fuit dans le vague, comme s’il réfléchissait. C’est presque toujours le signe d’un gros jeu.
Le moment du flop est très important. Plus l’enjeu sera important, plus le joueur sera “avide” de connaitre le flop.
Par exemple, en milieu de tournoi, un joueur relance de la moitié de son tapis avant le flop. Vous suivez. C’est le moment de bien observer quand il verra le flop. Un signe même minime au moment ou il verra I’As ou une paire peut vous indiquer qu’il complète le flop. Votre job ici n’est donc pas de regarder le flop en même temps que lui, mais de le regarder pendant qu’il regarde le flop. C’est totalement différent et ce n’est pas naturel, mais cela peut vous donner une information capitale.
En effet, un joueur qui a déjà mis la moitié de son tapis avant le flop ne peut pas se permettre, en tout cas en no limit, de vous laisser ouvrir au flop : il doit logiquement attaquer en faisant all-in. Reste à savoir s’il le fait avec un flop utile pour lui ou non.
Tell N°4
Revoir ses cartes privatives au flop
Nombreux sont les joueurs qui reprennent connaissance de leurs deux cartes privatives après l’étalement du flop.
Ce sera souvent le cas quand le flop sera mono colore car il voudra alors vérifier si son As ou son Roi lui donne un gros tirage a couleur.
En tout cas le fait de vérifier ses cartes dans ces conditions prouve qu’il ne possède pas la couleur : un joueur sait toujours au premier contrôle si ses deux cartes sont assorties ou non, ce qui lui enlève toute raison de les regarder a nouveau ensuite.
Il est rare qu’un joueur regarde a nouveau ses cartes sans raison : cette action lui fait quitter la table des yeux et le met donc en position de faiblesse pendant quelques secondes.
Ce geste a plusieurs significations. S’il émane d’un joueur qui essaie de vous induire en erreur, il va regarder et scruter longtemps ses cartes. La, c’est probablement un bluffeur et vous le déterminez assez facilement d’après l’expérience du joueur telle que vous la connaissez ou que vous la déduisez.
Mais ce geste peut aussi être le fait d’un joueur débutant ou récréatif qui regarde ses cartes comme pour s’en repaître, parce qu’elle sont belles a regarder : une paire rouge par exemple, ou A-10 assortis avec A-10 au flop ! Dans ce cas, c’est un signal d’alarme pour vous : vous savez que ce joueur a un jeu et il vous incombe de jeter vos cartes.
Tell N°5
Façons de miser récurrentes
Les tells qui s’avèrent les plus révélateurs interviennent quand le joueur doit miser a des moments bien particuliers.
Certains joueurs, par exemple, ne peuvent pas s’empêcher de checker s’il ont la main max au flop, quelle que soit leur situation.
Ou encore, un joueur qui relance jettera systématiquement ses cartes s’il est sur-relancé, simplement parce qu’il ne sait pas gérer ce genre de contre-attaques qui lui semblent dangereuses par essence.
Quand un joueur checke juste après avoir vu le flop ou en même temps que la troisième carte du flop s’étale, il est peu probable qu’il ait amélioré
Mais s’il décide d’ouvrir dans ces conditions il est peu probable qu’il bluffe.
Un joueur qui prend soin de ses cartes, par exemple en les protégeant exagérément, possède probablement une bonne main. S’il protège sa main de la même manière a chaque coup, ce tell n’en est évidemment pas un.
Tell N°6
Signes L’anxiété
L’anxiété intervient quand les personnes sont en état de combattre ou quand elles craignent de combattre.
Au poker, certains joueurs sont tellement sensibles qu’ils peuvent avoir des poussées violentes d’anxiété qui les font trembler, par exemple. La pupille de l’œil tend à se dilater, le cœur bat plus vite, la gorge se dessèche.
Curieusement, certains joueurs émettent ce genre de signaux quand ils ont une main très forte, simplement parce qu’ils vont passer à l’attaque. La aussi le ton de la voix qui monte est un indice supplémentaire.
Les joueurs ultra observateurs observeront la palpitation de vos veines temporales.
Un joueur qui bluffe et sait d’avance qu’il jettera ses cartes s’il est relance n’émet généralement pas de signe d’anxiété.
Une anxiété se verra sur le sourire du joueur : elle rendra ce sourire force, et un sourire force se remarque immédiatement. Le sourire est révélateur. En règle générale : un sourire franc révèlera une bonne main et un sourire crispe révèlera un bluff.
Un autre signe d’anxiété ne trompe pas : quand le joueur devient d’un seul coup affable. C’est aussi vrai dans la vie courante : quand quelqu’un a quelque chose a se reprocher, il est gentil et serviable envers celui ou celle qu’il a trahi(e). C’est le syndrome du dédouanement. On voit le même phénomène au poker : ce comportement révèle presque toujours un bluff. Par exemple, au flop, si le joueur qui est avant vous fait all-in (supérieur à votre tapis) et s’il se met soudain a plaisanté alors qu’il n’en avait pas l’habitude précédemment, il sera presque toujours sur une action de semi-bluff ou de bluff pur.
Tell N° 7
Le Regard
Pourquoi croyez-vous que beaucoup de joueurs, y compris de grands pros, portent des lunettes noires ? C’est bien parce que les yeux sont comme une vitrine de ce que nous avons dans la tête. Les psychologues savent bien que la partie du visage la plus expressive, la plus révélatrice de l’état d’esprit d’un individu, ce sont ses yeux.
Fort ou faible ? Un joueur relance le pot. Une très forte relance. Il détourne ses yeux du pot, par exemple en regardant l’adversaire dont il attend la réaction. Ce comportement dénote une grande force. ldem quand le joueur regarde a l’opposé du pot, comme s’il s’en désintéressait.
Inversement, le joueur qui relance et reste de glace, les yeux rivés sur les jetons du pot, est probablement en train de bluffer ou de semi-bluffer.
Le temps d’observation des cartes privatives. Une paire d’As est facile a identifier et jamais un joueur ne la regardera a nouveau ensuite dans le coup, sauf cas d’un tirage a couleur au tableau, par exemple. Cela vaut aussi pour toutes les paires, en règle générale.
La main K-10, elle, sera plus longue à observer. Parce que le joueur devra d’abord l’identifier, et il réfléchira déjà quand il ne l’aura pas encore reposée.
Conclusion : un joueur qui regarde plus longtemps ses cartes ne possède pas une main reconnaissable immédiatement, comme une paire ou une “bombe” du genre A-K.
Tell N°8
Le langage du corps
Observer bien les joueurs et leur corps pendant qu’ils possèdent une main particulière. Le langage du corps est extrêmement riche. Des études psychologiques ont mis en évidence un certain nombre d’indices qui nous permettent de mieux connaitre l’état d’esprit de l’interlocuteur.
lci, il s’agit de détecter d’abord les changements de tenue du corps adverse. Par exemple, si un joueur se tient recroquevillé sur lui-même en permanence, cela ne signifie rien. En revanche, s’il se redresse brusquement quand il reçoit une main particulière, c’est un signe. Ou, révélateur aussi, le joueur qui prend soudain une assise plus décontractée sur son fauteuil, par exemple en s’asseyant de travers.
Exemples :
Les épaules. Elles peuvent tomber (révélant plutôt une main décevante), ou au contraire se redresser (révélant l’inverse).
La tête. Elle peut être franchement relevée ou au contraire, plus basse, comme un chien battu.
Le torse. La aussi, il y a le torse vertical et le torse plus penché en avant, qui peut exprimer deux contraires : un plus grand intérêt au jeu (anticipation d’un coup a encaisser, donc gros jeu) ou au contraire une déception au moment du flop par exemple. Il faut compléter avec un autre signe pour trancher.
Un des moments idéaux pour l’observation est quand un joueur fait all-in dans un coup ou vous n’êtes pas partie prenante. Si personne ne le suit, observez-le bien. Il aura peut-être un geste ou une posture qui sera synonyme de soulagement.
Ne vous arrêtez surtout pas a celui qui, dans cette situation, fait “Piiiooouuuuu” en passant théâtralement une main sur son front. C’est probablement du cinéma.
Tell N°9
Les mains qui tremblent
Certains sujets hypersensibles ont les mains qui tremblent sans même entrer sur un coup. Ceux-là sont finalement à l’abri de ce tell puisque leurs mains tremblent quoi qu’il arrive.
Mais si le joueur n’à pas habituellement les mains qui tremblent, cet indice est plutôt un signe de main forte.
Le joueur peut joindre les mains l’une au-dessus de l’autre ou comme dans une prière (”0 mon Dieu, envoyez-moi de bonnes cartes !”), les séparer, les poser à plat, croiser les doigts, les poser sur le rebord de la table, etc. Les mains parlent énormément à l’insu du joueur. Mais chaque paire de mains a son propre langage.
A vous de décrypter celui de votre adversaire.
Un geste courant consiste à monter la main et à la mettre devant la bouche. Ce geste a plusieurs significations, mais la principale est une crainte inconsciente. Surtout si le joueur jette un oeil furtif vers celui qui doit parler après lui, il s’agit le plus souvent d’un bluff.
En revanche, si le joueur plaque sa main sur sa bouche, y compris avant le début du tour d’enchères, il s’agit plutôt de réprimer un sourire inconscient provoqué par le fait d’avoir touché une bonne carte, même si cette posture peut vouloir signifier : “j’hésite, je réfléchis”.
N’en tenez pas compte car la plupart du temps, son auteur aura une bonne main.
Tell N°10
L’expression au visage
Comme les joueurs mettent des lunettes sur leurs yeux, d’autres camouflent leur visage avec une casquette, en relevant le col de leur blouson, etc.
D’autres aussi penchent leur visage vers l’avant et regardent par en dessous (Phil Ivey en est le plus bel exemple).
Un visage droit, exposé en pleine lumière peut devenir révélateur car il peut présenter des symptômes de nervosité, qui sont synonymes le plus souvent de faiblesse dans le jeu.
Au poker, ne vous intéressez pas trop à la morphopsychologie. Cette discipline qui consiste à déterminer le caractère de la personne a partir de la morphologie de son visage (forme du nez, des mâchoires, du front…etc). En matière de poker, la personnalité propre des joueurs est tellement profonde que I’on trouve de très bons joueurs dans toutes les catégories de morphologie.
Certains joueurs ne peuvent réprimer un certain tic nerveux à des moments précis. Par exemple, un sourcil qui tremblote au moment on il fait all-in. Ou des narines qui se dilatent. Ou encore, un claquement de langue, etc. Aucun tic nerveux n’est a priori révélateur de bluff. Mais il y a une permanence entre le tic nerveux et l’état mental. Un joueur qui dilatera ses narines en bluffant all-in le fera probablement toujours quand bluffera.
Vous devez être attentif au visage de l’adversaire dans les moments importants. Car c’est justement dans ces moments-la que le joueur contrôle le moins son apparence.
Pour aller plus loin dans les “tells”, lisez le livre de Mike Caro ‘The Body Language of Poker’ (1994)
et regardez ses vidéos et DVD sur les tells ou retrouvez d’autres exemple dans “Poker de Tournoi” de François Montmirel le livre d’où est tiré cet article. Merci à GTI pour cet extrait.
Lucky Jack
